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mercredi 7 mars 2012

Expert en stratégie «La position algérienne est constante»



- Que pensez-vous du changement de la position algérienne vis-à-vis du projet Desertec ?
Je ne vois pas de rupture entre la position adoptées auparavant par les responsables algériens et celle suivie récemment par le président de la République, lors de sa visite en Allemagne. En fait, il n’y a jamais eu un strict refus du projet Desertec.
- Pourtant, des réticences ont été clairement exprimées par le ministre de l’Energie et des Mines au sujet de Desertec…
La position adoptée par le ministre de l’Energie et des Mines me paraît cohérente avec celle du président. A mon avis, il n’y a aucune contradiction avec ce que le Président a pris comme engagements politiques en Allemagne. La position adoptée par l’Algérie et détaillée par le ministre de l’Energie milite en fait pour une intégration nationale et un transfert de technologie en vue d’installer une véritable industrie nationale de fabrication d’équipements de production solaire, thermique et photovoltaïque. Je n’ai pas l’impression que le président de la République soit en rupture avec cette vision. Au contraire, il n’a fait qu’envoyer des signaux pour dire : oui, nous ne sommes pas défavorables à ce genre de concept, mais nous allons négocier notre participation au projet par le biais d’une véritable industrie du solaire et non pas comme simple terrain d’implantation de centrales par des compagnies étrangères.
- Que pensez-vous, en tant qu’expert en énergie, de ce projet?
C’est un projet trop ambitieux, par rapport auquel je suis assez sceptique. Sa réalisation est prévue sur un horizon assez lointain (2030-2050) dans le but de satisfaire la consommation européenne à 80%. En matière de stratégie, je le considère donc comme futuriste et, à mon avis, il ne se réalisera pas selon la configuration qui est présentée actuellement.
- A quelles conditions Desertec sera-t-il, selon vous, un projet bénéfique pour l’Algérie?
Le projet ne doit pas se traduire par l’installation par des Occidentaux de grandes centrales solaires thermiques au Sahara pour transporter l’électricité vers le nord. Pour notre pays rien ne changera : il exporte les énergies fossiles (pétrole et gaz) actuellement et, selon la configuration de Desertec, l’Algérie risque de rester sur le même modèle et d’exporter, à l’horizon 2030-2050, le soleil. C’est un mécanisme pervers ! Desertec ne peut fonctionner qu’à travers le développement d’une industrie en Algérie.
- Quelle serait, d’après vous, la bonne configuration du projet pour que l’Algérie en tire profit?
A travers Desertec, c’est toute la question de la transition énergétique qui est posée. Les pays occidentaux sont en train d’opérer cette transition d’un modèle fossile – basé sur une consommation de 95% de pétrole, de gaz et de charbon – vers l’énergie non fossile. Le monde devrait basculer vers moins de 50% d’énergies fossiles à l’horizon 2050 et il faut que nous soyons du voyage. Nous leur vendons du pétrole et du gaz, mais il faut également qu’ils nous aident à passer, nous aussi, des énergies fossiles vers les énergies renouvelables. Je pense d’ailleurs que la position, telle qu’exprimée par le président de la République à Berlin, traduit cette volonté de préparer une transition énergétique.
- Nous allons donc vers des négociations dans le cadre de ce projet?
Oui et il le faut. Les Européens ont développé une technologie solaire mais ils n’ont pas d’ensoleillement, alors ils viennent chez nous pour fixer des installations de production d’énergie. L’Algérie a un grand désert et, du point de vue technico-économique, elle détient la meilleure option dans ce projet. Il faut donc bien négocier les choses. L’Algérie doit obtenir un transfert de technologie et favoriser la fabrication d’installations photovoltaïques et thermiques. Il faut absolument que l’Algérie parvienne, en adhérant à ce projet, à devenir un grand producteur de panneaux solaires pour permettre l’installation de cette industrie en impliquant les PME, l’université et les grandes entreprises comme Sonatrach et Sonelgaz, par exemple. En dehors de cet objectif, Desertec serait encore une aliénation, comme ce que nous vivons actuellement avec les hydrocarbures.

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